[…]
Tout est lutte, tout est défi, le monde se divise entre bouffeurs de vie et
impotents qui passent leur temps à soigner leurs petits ulcères de l'âme. […]
C'est pas un faiseur, Pablo, disait ma grand-mère qui l'aimait beaucoup. Il ne
pose pas, il joue, et jouer, c'est encore ce que disait ma grand-mère, c'est
très exactement le contraire de poser. Il fonce, tête baissée. Il est comme un
taureau qu'il faut parfois divertir de sa cible, parce que, parfois, sa cible
c'est le mur. Ca me plait aussi, ça, en lui, ce côté corrida perpétuelle,
taureau et torero en une personne, il n'a peur ni de lui, ni de la vie, ni des
autres, ni de se faire mal, ni de tout ce qui m'empêche, moi, d'avancer. Avec
lui, l'avenir c'est maintenant. Ce qui compte, c'est la course, c'est ce qu'il
dit toujours : ce qui empoisonne l'existence, c'est de trop penser à la
ligne d'arrivée, on aura bien le temps d'y penser après, quand on aura perdu,
ou quand on ne pourra plus courir.
J'adore courir avec lui. Il a l'énergie de ceux qui savent que le temps est compté mais qui n'en font pas non plus toute une histoire. Il court sur les battements du cœur, mais un cœur qui change de rythme tout le temps, sans s'annoncer, par surprise. Je n'aime pas trop les surprises, en général. Je préfère les habitudes. Mais je m'adapte à ses surprises à lui. Je me fais à ses embardées. Pas le temps il dit, on n'a pas le temps d'avoir de la peine, pas le temps d'être triste ni d'avoir peur, le danger est passé, tu vois, on l'a échappé belle mais on est passés, on a juste le temps de s'aimer et de s'embrasser. En dormant il donne des coups de pied aux chats, il m'embrasse, il demande où on va où on va, le matin il a oublié ce qu'il a dit pendant la nuit, il est tout de suite combatif, il rit aux éclats, il se soucie immédiatement de moi, ça va ? tu veux tes lentilles ? et il se lève sans s'appesantir ni se retourner, ce n'est pas de la fuite, il n'y a rien à fuir, le passé on s'en fout, le passé n'a qu'à suivre, il suit. Je serai peut-être à bout de souffle avant lui, mais au moins j'aurai couru. C'est lui, maintenant, mon amphétamine. [...]
J'adore courir avec lui. Il a l'énergie de ceux qui savent que le temps est compté mais qui n'en font pas non plus toute une histoire. Il court sur les battements du cœur, mais un cœur qui change de rythme tout le temps, sans s'annoncer, par surprise. Je n'aime pas trop les surprises, en général. Je préfère les habitudes. Mais je m'adapte à ses surprises à lui. Je me fais à ses embardées. Pas le temps il dit, on n'a pas le temps d'avoir de la peine, pas le temps d'être triste ni d'avoir peur, le danger est passé, tu vois, on l'a échappé belle mais on est passés, on a juste le temps de s'aimer et de s'embrasser. En dormant il donne des coups de pied aux chats, il m'embrasse, il demande où on va où on va, le matin il a oublié ce qu'il a dit pendant la nuit, il est tout de suite combatif, il rit aux éclats, il se soucie immédiatement de moi, ça va ? tu veux tes lentilles ? et il se lève sans s'appesantir ni se retourner, ce n'est pas de la fuite, il n'y a rien à fuir, le passé on s'en fout, le passé n'a qu'à suivre, il suit. Je serai peut-être à bout de souffle avant lui, mais au moins j'aurai couru. C'est lui, maintenant, mon amphétamine. [...]
Rien de grave, Justine Lévy .