ORPHEE _ Parce qu'à la fin c'est intolérable d'être deux. Deux peaux, deux enveloppes, bien imperméables autour de nous, chacun pour soi avec son oxygène, avec son propre sang quoi qu'on fasse, bien enfermé, bien seul dans son sac de peau. On se serre l'un contre l'autre, on se frotte pour sortir un peu de cette effroyable solitude. Un petit plaisir, une petite illusion, mais on se retrouve bien sûr tout seul, avec son foie, sa rate, ses tripes, ses seuls amis.
EURYDICE _ Tais-toi !
ORPHEE _ Alors on parle. On a trouvé cela aussi. Ce bruit de l'air dans la gorge et contre les dents. Ce morne sommaire. Deux prisonniers qui tapent contre le mur du fond de leur cellule. Deux prisonniers qui ne se verront jamais. Ah ! on est seul, tu ne trouves pas qu'on est trop seul ?
EURYDICE _ Tiens-toi fort contre moi.
ORPHEE, qui la tient _ Une chaleur, oui. Une autre chaleur que la sienne. Cela, c'est quelque chose d'à peu près sûr. Une résistance aussi, un obstacle. Un obstacle tiède. Allons, il y a quelqu'un. Je ne suis pas tout à fait seul. Il ne faut pas être exigeant !
EURYDICE _ Demain, tu pouras te retourner. Tu m'embrasseras.
ORPHEE _ Oui. J'entrerai un moment dans toi. Je croirai pendant une minute que nous sommes deux tiges enlacées sur la même racine. Et puis nous nous séparerons et nous redeviendrons deux. Deux mystères, deux mensonges. Deux. Il la caresse. Il rêve. Voilà, il faudrait qu'un jour tu me respires avec ton air, que tu m'avales. Ce serait merveilleux. Je serais tout petit dans toi, j'aurais chaud, je serais bien.
EURYDICE, doucement _ Ne parle plus. Ne pense plus. Laisse ta main se promener sur moi. Laisse-la être heureuse toute seule. Tout redeviendrait si simple si tu laissais ta main seule m'aimer. Sans plus rien dire.
ORPHEE _ Tu crois que c'est cela qu'ils appellent la bonheur ?
EURYDICE _ Oui. Ta main est heureuse, elle, en ce moment. Ta main ne me demande rien que d'être là, docile et chaude sous elle. Ne me demande rien, toi non plus. Nous nous aimons, nous sommes jeunes; nous allons vivre. Accepte d'être heureux, s'il te plaît ...
EURYDICE _ Tais-toi !
ORPHEE _ Alors on parle. On a trouvé cela aussi. Ce bruit de l'air dans la gorge et contre les dents. Ce morne sommaire. Deux prisonniers qui tapent contre le mur du fond de leur cellule. Deux prisonniers qui ne se verront jamais. Ah ! on est seul, tu ne trouves pas qu'on est trop seul ?
EURYDICE _ Tiens-toi fort contre moi.
ORPHEE, qui la tient _ Une chaleur, oui. Une autre chaleur que la sienne. Cela, c'est quelque chose d'à peu près sûr. Une résistance aussi, un obstacle. Un obstacle tiède. Allons, il y a quelqu'un. Je ne suis pas tout à fait seul. Il ne faut pas être exigeant !
EURYDICE _ Demain, tu pouras te retourner. Tu m'embrasseras.
ORPHEE _ Oui. J'entrerai un moment dans toi. Je croirai pendant une minute que nous sommes deux tiges enlacées sur la même racine. Et puis nous nous séparerons et nous redeviendrons deux. Deux mystères, deux mensonges. Deux. Il la caresse. Il rêve. Voilà, il faudrait qu'un jour tu me respires avec ton air, que tu m'avales. Ce serait merveilleux. Je serais tout petit dans toi, j'aurais chaud, je serais bien.
EURYDICE, doucement _ Ne parle plus. Ne pense plus. Laisse ta main se promener sur moi. Laisse-la être heureuse toute seule. Tout redeviendrait si simple si tu laissais ta main seule m'aimer. Sans plus rien dire.
ORPHEE _ Tu crois que c'est cela qu'ils appellent la bonheur ?
EURYDICE _ Oui. Ta main est heureuse, elle, en ce moment. Ta main ne me demande rien que d'être là, docile et chaude sous elle. Ne me demande rien, toi non plus. Nous nous aimons, nous sommes jeunes; nous allons vivre. Accepte d'être heureux, s'il te plaît ...
Eurydice, Jean Anouilh .
et d'un coté tant mieux ...
de l'autre , il y aura tjs cette séparation ...