Dimanche 3 février 2008 à 15:41


ORPHEE _ Parce qu'à la fin c'est intolérable d'être deux. Deux peaux, deux enveloppes, bien imperméables autour de nous, chacun pour soi avec son oxygène, avec son propre sang quoi qu'on fasse, bien enfermé, bien seul dans son sac de peau. On se serre l'un contre l'autre, on se frotte pour sortir un peu de cette effroyable solitude. Un petit plaisir, une petite illusion, mais on se retrouve bien sûr tout seul, avec son foie, sa rate, ses tripes, ses seuls amis.

EURYDICE _ Tais-toi !

ORPHEE _ Alors on parle. On a trouvé cela aussi. Ce bruit de l'air dans la gorge et contre les dents. Ce morne sommaire. Deux prisonniers qui tapent contre le mur du fond de leur cellule. Deux prisonniers qui ne se verront jamais. Ah ! on est seul, tu ne trouves pas qu'on est trop seul ?

EURYDICE _ Tiens-toi fort contre moi.

ORPHEE, qui la tient _ Une chaleur, oui. Une autre chaleur que la sienne. Cela, c'est quelque chose d'à peu près sûr. Une résistance aussi, un obstacle. Un obstacle tiède. Allons, il y a quelqu'un. Je ne suis pas tout à fait seul. Il ne faut pas être exigeant !

EURYDICE _ Demain, tu pouras te retourner. Tu m'embrasseras.

ORPHEE _ Oui. J'entrerai un moment dans toi. Je croirai pendant une minute que nous sommes deux tiges enlacées sur la même racine. Et puis nous nous séparerons et nous redeviendrons deux. Deux mystères, deux mensonges. Deux. Il la caresse. Il rêve. Voilà, il faudrait qu'un jour tu me respires avec ton air, que tu m'avales. Ce serait merveilleux. Je serais tout petit dans toi, j'aurais chaud, je serais bien.

EURYDICE, doucement _ Ne parle plus. Ne pense plus. Laisse ta main se promener sur moi. Laisse-la être heureuse toute seule. Tout redeviendrait si simple si tu laissais ta main seule m'aimer. Sans plus rien dire.

ORPHEE _ Tu crois que c'est cela qu'ils appellent la bonheur ?

EURYDICE _ Oui. Ta main est heureuse, elle, en ce moment. Ta main ne me demande rien que d'être là, docile et chaude sous elle. Ne me demande rien, toi non plus. Nous nous aimons, nous sommes jeunes; nous allons vivre. Accepte d'être heureux, s'il te plaît ...


Eurydice, Jean Anouilh .

Par couline le Jeudi 7 février 2008 à 11:18
j'ai aussi cette impression qu'on est tjs seul ... tu sais comme si on ne pouvait jamais n'etre qu'un en étant deux , il reste cette part d'inconnu tjs dans l'autre , on ne saura jamais ce qu'il pense vraiment au final , peut etre que tout est un jeu , qu'il se voile la face à lui même et peut etre faisons nous pareil , peut etre mentons nous à l'autre sans le vouloir , il ne peut pas l'savoir , tout c'qu'il y a dans la tête ...
et d'un coté tant mieux ...
de l'autre , il y aura tjs cette séparation ...
Par couline le Jeudi 7 février 2008 à 11:18
et ta photo donne le sourire =D
 

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